Col de Fontjun : haut lieu de la Résistance...

Publié le par Yvon Bertrand

 

En juin  1944, j'avais 8 ans et je me souviens de Cazoulins revenant de Béziers , racontant l'exécution au Champ de Mars de résistants des villages voisins par les Allemands.

Ces Cazoulins écoeurés, avaient été obligés d'assister au martyr de ces Héros.

Ce récit m'avait bouleversé et longtemps, j'ai essayé de connaitre l'histoire de ce drame.

C'est en consultant le site http://cessenon.centerblog.net/  bien documenté de Monsieur Jacques Cros que j'obtiens la réponse à mes interrogations :

"En juin 1944 la Résistance est organisée sur le secteur de Poilhes / Capestang.

Des sabotages sont pratiqués depuis déjà plusieurs semaines.

Le 5 juin l’ordre est donné par le commandement militaire d’intensifier les destructions et de rejoindre les maquis.

Un rassemblement est organisé à Capestang, dans la maison de Danton Cabrol, sous-chef de secteur, cependant que les routes sont gardées. Une automobile conduite par un Français et ayant à son bord un sous-officier allemand a été interceptée et ses occupants faits prisonniers.

Hélas, suite à une négligence ils pourront s’enfuir et donner l’alarme. Les recherches entreprises pour les retrouver demeureront vaines.

Le plan prévu est cependant maintenu : deux camions et une voiture sont affrétés emmenant soixante et quinze volontaires au maquis. La voiture qui s’est placée en tête de la colonne est conduite par Jean Durand, alias Capitaine Roch. Parti de Puisserguier où le regroupement a eu lieu, à l’usine Saint-Joseph plus précisément, sur la route de Capestang, le convoi a traversé Cébazan sans encombre.

Au col de Fontjun c’est l’embuscade. Un camion allemand barre aux trois-quarts le passage. Avec beaucoup de sang-froid, évitant le camion à gauche et le ravin à droite, le capitaine Roch réussit à passer, renversant un soldat allemand qui a tenté d’intervenir.

Quand le premier des deux camions qui suivent se présente c’est la confusion. Pierre Durand, secrétaire de mairie à Poilhes, assis sur l’aile un revolver au poing, croit que ce sont les hommes du maquis venus à leur rencontre qui sont devant eux. Eh non, ce sont les boches !

L’effectif allemand est d’une soixantaine mais leur armement est largement supérieur à celui des candidats au maquis. Trente deux de ceux-ci seulement sont en effet armés et sans doute pas aussi bien que leurs ennemis.

La voiture du Capitaine Roch a fait demi-tour et ses occupants tentent de prendre les Allemands à revers. Puis, quand ils auront épuisé leurs munitions, ils fonceront vers le maquis pour chercher des renforts. Ceux-ci arriveront trop tard.

Pendant ce temps Jean Montagne, quoique blessé au pied par une balle de mitraillette, réussit à arroser le camion allemand avec des grenades Gamont. Celui-ci prend feu toutefois la colonne allemande se reforme et passe à l’attaque. Les munitions épuisées, dix-huit résistants sont fait prisonniers cependant que cinq autres sont décédés au cours de l’accrochage.

Côté allemand il y aurait eu une vingtaine de morts mais l’armée d’occupation n’avait pas l’habitude de laisser ses cadavres sur le terrain pour qu’on effectue un décompte de leurs pertes.

Les survivants du groupe parti de Puisserguier ont pu profiter de la nuit pour se disperser et chercher refuge dans les environs. Plusieurs blessés seront secourus par le docteur Vacquier de Maureilhan.

Les prisonniers sont emmenés à Saint-Chinian où ils sont torturés avant d’être conduits à Béziers le lendemain.

Le 7 juin, à 14 h, le portail de la caserne Du Guesclin s’ouvre.

En trois vagues les Résistants sont conduits au supplice. On leur lie les bras à la balustrade. L’un d’eux laisse échapper un « Maman ! »

Dans la deuxième vague il y a une femme, Juliette Cauquil de Puisserguier, qui ira embrasser un de ses compagnons avant de reprendre sa place et de crier « Vive la France ».

De la foule, que les nazis ont rassemblée pour assister à l’exécution, jaillit un cri : « Salauds ! » Son auteur s’est esquivé avant d’être identifié.

Puis c’est la troisième salve : dix-huit corps gisent à présent sur la place du Champ de Mars.

En hommage aux sacrifiés, citons ici cet extrait d’un très beau poème de Louis Aragon,
Les Roses de Noël :

« Quand nous tendions au spectre l’espérance, la nudité honteuse de nos mains, alors, alors, ceux-là qui se levèrent, fût-ce un instant, fût-ce aussitôt frappés, en plein hiver furent nos primevères, et leur regard eut l’éclair d’une épée »."


Membres du Maquis de Fontjun

  • Marc ALBERT, de Montady .
  • Elie AMOUROUX, de Capestang.
  • Louis BAÏSSE, de Capestang.
  • Guy BOURDEL, de Capestang.
  • Bertin BOUSQUET, de Montady.
  • Danton CABROL, de Capestang.
  • Simon-Paul CABROL, de Capestang.
  • Juliette CAUQUIL, de Puisserguier.
  • Roger CAUQUIL, de Puisserguier.
  • André COMBET, de Capestang.
  • Pierre CROS, de Nissan-lez-Ensérune.
  • René DEZ, de Nissan-lez-Ensérune.
  • Louis HUC, de Montady.
  • Emile LOSCOS, de Capestang.
  • Ignace MALET, de Capestang.
  • Henri MASSAT, de Capestang.
  • Salvador MONTAGNE, de Puisserguier.
  • André SEGURET, de Montady.
  • Maurice SOL, de Capestang.
  • Henry VILLENEUVE, de Montady.
Voir article sur l'aménagement de la place du Champs de Mars


Dans ce même site, nous trouvons des nouvelles d'un des rescapé de Fontjun:
Monsieur  Georges Guibbaud
L’histoire de Georges Guibbaud, un rescapé de Fontjun


Monsieur Jacques Cros raconte:
Internet présente l’avantage de mettre en relation des gens qui sans cet outil de communication n’auraient jamais pu échanger. C’est ainsi que j’ai eu, via mon blog, un contact avec Sylvain Guibbaud qui vit au Québec.

Sylvain Guibbaud est un des trois fils de Georges Guibbaud qui était dans l’affaire de Fontjun. Sylvain nous a fourni quelques renseignements sur son père et sur ce qu’a été pour lui cette tragique histoire.

Georges Guibbaud est né à Béziers en juin 1924 dans une famille de six enfants. Il a donc vingt ans au moment des combats de Fontjun.

Il est dans le deuxième camion et lors de fusillade il s’éjecte du véhicule et se réfugie sous lui. De là il gagne le ravin fourré qui est en contrebas. Il s’y cache un moment, sa mitraillette en bandoulière, le canon sous le menton, entendant les aboiements des Allemands. Il lui faudra s’en extraire car des chiens pisteurs sont sur ses traces.

A plat ventre, rampant dans la garrigue et les vignes, profitant de la nuit, il réussit à rejoindre une grange où il se camoufle jusqu’au petit matin. Là le propriétaire des lieux lui indique que les Allemands sont à sa recherche avec des chiens. Il quitte son abri et après trois jours de traque arrive au château des Albières situé au-dessus de Berlou. De là il rejoindra son groupe cantonné plus au nord.

Georges Guibbaud s’est marié avec Lydie Chassefière, native de Lafourcade, une « campagne » située entre Maureilhan et Capestang. Le couple vivra un temps à Lafourcade où naîtront leurs trois fils.

Après avoir, sans grand succès, exercé divers métiers, dont celui de la vigne, le père choisira en 1954 de partir en éclaireur au Québec où il trouvera un emploi de magasinier / ferblantier dans une entreprise. La famille le rejoindra deux mois plus tard.

Georges Guibbaud est revenu en France à la retraire et s’est installé à Capestang alors qu’il avait 58 ans. C’est là qu’il finira ses jours en juillet 2002. Son épouse, aujourd’hui âgée de 80 ans y est toujours.

Sylvain nous a dit que son père avait gardé, sa vie durant, un souvenir douloureux de l’épisode de Fontjun, faisant régulièrement des cauchemars à son sujet.

 



 

Publié dans Histoire locale

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article