Le grand retour de Gérard Lenorman...

Publié le par Yvon Bertrand

         
Quarante ans après ses débuts et onze ans après la sortie de son dernier album, La Raison de l'Autre, Gérard Lenorman revient sur le devant de la scène avec Duos de mes chansons, un opus dans lequel la jeune génération (Zaz, Grégoire, Amaury Vassili, Joyce Jonathan, Shy'm et Stanislas) et les plus aguerris (Florent Pagny, Patrick Fiori, Maurane, Roch Voisine, Tina Arena, Chico & The Gypsies et Anggun) reprennent les plus grands succès de l'artiste.

Rencontre avec Gérard Lenorman.
Il nous parle de cet album, Duos de mes chansons, et évoque en toute intimité quelques souvenirs marquants et émouvants de sa carrière.

    Gérard Lenorman, Duos de mes chansons est dans les bacs depuis hier, le 10 octobre. Treize voix se mêlent à votre tessiture rocailleuse pour réinterpréter vos plus grands succès. Que représente pour vous cet album ?

Gérard Lenorman- C'est un échange entre des artistes. J'irai même plus loin en parlant de partage. La magie du partage... L'album a été réalisé sous la direction artistique de Bertrand Lamblot. C'est lui qui est à l'initiative de ce projet, que je ne voulais absolument pas, parce que j'avais le sentiment qu'on ne pourrait le faire dans les règles, selon mes principes et mes envies. Et puis, je souhaitais vraiment que l'on revisite mes chansons, et que les duos soient fondés sur de réelles intentions communes. Je trouve qu'au final, c'est une très grande réussite. Vous parlez de "tessiture rocailleuse", c'est ce que mon amie Maurane appelle mon "petit grain de beauté". Le terme est très joli, je trouve !

    Vos titres ont été magnifiquement réarrangés par Benjamin Constant et Christian Lachenal, et mixés par Kévin Harp. Vos voix s'y marient harmonieusement bien, et on ressent que vous vous entendez tous à merveille...

Gérard Lenorman- Vous avez vu ? Ce n'est pas truqué. Le trait d'union entre les séquences du teaser que vous pouvez visionner sur Internet, c'est le bonheur. Je ne voulais chanter qu'avec des gens que j'aime et qui m'aiment. C'est précisément ça dont je suis fier. Il n'y a rien à faire: on n'invente pas ce qui n'existe pas.

     Chanter, c'était une vocation pour Gérard Lenorman ?

Gérard Lenorman- Oui, c'est un peu ça. C'est un état d'être qui s'affirme -ou non- selon les idées que l'on porte et la manière que l'on use pour les transmettre. La transmission des émotions, vous savez, c'est magique: vous êtes habité ou vous ne l'êtes pas. Je sais personnellement que j'ai toujours eu une gueule qui faisait craquer les gens. Je les faisais sourire pour je ne sais quelle raison, vu que je n'étais pas très gai !... Les barres que j'ai prises, moi, m'ont peut-être plus servi -et me servent encore- à me tenir debout.

     Pourquoi l'aimez-vous votre métier ?

Gérard Lenorman- Parce que ce n'est pas un métier au quotidien. C'est ma vie. Je ne peux l'expliquer. Pourquoi Jean-Michel Basquiat peignait et dessinait quel que soit le lieu où il se trouvait ? Parce qu'il était un grand artiste, pour ne pas dire un génie...
Trois jours qui ont marqué votre vie ?

Gérard Lenorman- Le jour de ma naissance déjà, parce que je suis né sous un signe particulier... Et puis, ce qui m'a profondément marqué -parce que je me suis toujours un peu senti marginal dans ce métier-, c'est le jour où j'ai appris que "La Balade des Gens Heureux" était arrivée à la troisième place des dix plus belles chansons françaises -après "La Mer" (Charles Trénet) et "Chanson pour l'Auvergnat" (Georges Brassens)-, selon un sondage réalisé du temps de "Radioscopie", l'émission de Jacques Chancel. Je n'y croyais pas, j'étais sur le cul !

     Surtout qu'à l'époque, pendant que les chanteurs interprètent des textes tristes et nostalgiques, vous, vous chantez le bonheur !

Gérard Lenorman- Exactement ! Jacques Chancel était sidéré. Lorsque je l'ai eu au téléphone, je lui ai dit: "Vous savez ce qui m'étonne le plus ? C'est que vous m'invitiez sur votre plateau, une sorte d'intelligentsia !" C'est un mec formidable, Jacques Chancel; je l'ai toujours aimé, je l'aime toujours, et je crois que je l'aimerai toujours.

     Et le troisième jour ?!

    Demain, peut-être !

    Que pensez-vous de la jeune génération qui monte ?

Gérard Lenorman- Vous savez, jeune, vieux, la durée de vie est relativement courte... A-t-on le temps d'être jeune ? A-t-on le temps d'être vieux ? Je pense que l'on a le temps de ses envies et de ses passions. Et quand il y a passion, il y a envie, souci de création, souci de réinvention... On n'a pas le temps de vieillir. Personnellement, je me sens très dégagé du vieillissement. Il n'y a qu'à voir avec Zaz, on a l'air de deux gamins ! Je ne fais pas semblant d'être un gamin. Avec Amaury Vassili, il a suffi d'une seule écoute de "Et moi je chante" pour qu'il me dise "Je veux, et je fais tout de suite !" De véritables envies suscitées, c'est le luxe, pour moi. C'est un mariage, c'est une fusion.

     Et les émissions musicales qui donnent leur chance aux jeunes ?

Gérard Lenorman- C'est complètement "dégénérationnel" ! Je ne fonctionne pas comme ça... On voit bien que c'est truqué, faux... Je comprends les mômes qui se sont jetés sur des programmes comme "Star Academy'... Que pouvaient-ils faire d'autre ? Que leur proposait-on d'autre ? Il n'y a plus d'émissions comme celles que l'on a tant décrié par le passé ("Top à..." avec Maritie et Gilbert Carpentier, "Le Palmarès des chansons" avec Guy Lux...) C'était extraordinaire, tous avaient leur chance ! Tout le monde se battait pour passer sur ces plateaux-là... Pour ma part, j'y suis trop passé. C'est pour cela que j'ai arrêté de faire de la TV. J'ai compris que faire de la scène était bien plus important: vous remplissez chaque instant de perles et de moments forts et uniques.

     Gérard, on vous connaît aussi pour votre premier rôle au sein de la comédie musicale Hair, entre 1969 et 1970. Êtes-vous allé voir les versions modernisées du spectacle ?

Gérard Lenorman- Non. J'y ai été convié bien sûr, plusieurs fois même, mais je pense que "Hair", c'était très bien à l'époque de "Hair". C'est l'histoire d'une époque. Il y a des idées qui ne peuvent plus fonctionner aujourd'hui...

     Qu'est-ce que vous ne referiez pas ?

Gérard Lenorman- Rien. J'ai tout fait par goût et sans concession. J'essaierais peut-être d'éviter de faire certaines conneries, mais c'est à peu près tout... Et encore... Et puis, je me dis que lorsqu'on fait les choses avec le coeur, on fait forcément des conneries. Mais elles ne nous tuent pas: elles servent à nous élever. Celles que l'on n'a pas faites, on risque de les faire demain. Alors quand c'est fait, c'est fait ! (rires)

     Y a-t-il un rêve que vous n'ayez pas encore réalisé ?

Gérard Lenorman- "Pas encore réalisé", pas tout à fait. Je souhaite reprendre la place qui a toujours été la mienne, car je suis vraiment quelqu'un sur scène. Il est vrai que je suis un peu négligent depuis quelques années... Mais j'ai travaillé des chansons pour exister: "Nostalgies", "La Force d'Aimer" (merci Claude Lemesle d'avoir crû en mes capacités d'auteur) sont des succès qui donnent au public l'envie de venir me voir nombreux. Et c'est ça qui me plaît dans le métier de la scène: proposer autre chose que ce que l'on attend de moi. C'est pour cela que je suis fier d'avoir chiadé tous mes morceaux pour en faire de belles chansons hors du temps.

     Quelle est votre philosophie de vie, Gérard ?

Gérard Lenorman- Être soi. Soi. Être ce que tu es vraiment. Ce n’est pas la peine de chercher à être autre chose. Tu seras toujours en accord avec toi, tes amis et tes proches parce que tu ne te trahiras pas et tu ne les trahiras jamais.

     Que pensez-vous de la devise de la République Française: Liberté, Egalité, Fraternité ?

Gérard Lenorman- C'est du pipeau ! C'est très beau d'écrire des trucs comme ça, de se planquer derrière des phrases pour essayer de se faire passer pour un pays qui a inventé la noblesse de la politique et l'ouverture des grands sur le peuple, mais moi, ça me gave et ça me tue. Je n'y crois pas, je n'y crois plus. On ne peut pas y croire. Quand Internet est arrivé, j'ai dit à ma femme Marie: "Tu vois là, la démocratie est en train de naître. Ça va être terrible..." J'ai toujours été un peu visionnaire...

     Gérard Lenorman, je rappelle que Duos de mes chansons est sorti hier, le 10 octobre. Vous êtes confiant ?

Gérard Lenorman- Vous voulez que je vous dise ? Je n'ai quasiment aucun doute. J'ai toujours pensé que ce qui était bien fait, sans tricherie, constituait une monstrueuse réussite. Une réussite, c'est quand il y a le plus que l'on n'attendait pas. Franchement, je ne l'espérais même pas, et je ne l'osais pas. Je ne l'ai pas voulu. C'est un dique de partage, et le partage, c'est la chose la plus difficile à réussir. C'est une perle. Il n'y a pas eu une seule seconde de doute dans l'esprit de chaque artiste présent sur l'album. Ce sont des forces qui créent le bonheur
     
 
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