Gardarem lou larzac...

Publié le par Yvon Bertrand

 

 

Faites labour, pas la guerre”, “Des moutons, pas des canons”, “Debré ou de force, nous garderons le Larzac”, autant de slogans qui ont résonné des années durant,  dans les cortèges et mobilisations qui, de Millau à Paris,  se sont opposés au projet gouvernemental d’extension du camp militaire du Larzac...

 

 

C’était il y a 40 ans, sur le plateau du Larzac. Pour un épilogue dix ans plus tard.

 

Un soir de 1971, Michel Debré, alors ministre de la Défense, avait sans le savoir mis le feu aux poudres.

En parlant dans le poste, époque ORTF. Il avait dit : “Un vent glacial souffle sur cette terre désolée, empêchant tout développement de l’agriculture”", se souvient Jean-Marie Burguière, aujourd’hui septuagénaire.

 La formule avait un but : justifier l’extension du camp du Larzac. Laisser le plateau aux militaires.

Tant pis pour les paysans.

Pour ces agriculteurs qui votaient à droite, ce fut la claque de trop, sur une joue que ces catholiques fervents se refusaient à tendre plus longtemps.

 

Sans compter que le vent glacial rendait la gifle plus piquante encore.

 

Une chaîne de solidarité

 

Jean-Marie Burguière et son frère Pierre - rejoints par leurs épouses, Janine et Christiane, elles-mêmes sœurs - marchèrent dans les pas de leur père, Léon, pionnier de la lutte.

 

C’est lui qui, avec d’autres, prit son bâton de pèlerin pour aller porter la bonne parole un peu partout en France.

 

Une chaîne de solidarité permit la constitution de groupement foncier agricole, rachetant des terres aux propriétaires sur la base du prix proposé par l’armée.

 

 

 

 

La suite s’avéra explosive, même si placée sous le signe de la non-violence. Avec pour emblème le jeûne de Lanza del Vasto, fondateur de la communauté de l’Arche.

 

wpc0787fbe.jpg

Ou encore les rassemblements de grande ampleur : jusqu’à 100 000 personnes chaque été, de 1973 à 1977... Des gens venus de toute la France s’associer au combat d’un David survitaminé face à un Goliath vacillant sur un terrain militaire de plus en plus miné.

La défense du Larzac

Il y avait là des urbains décidés à faire de la défense du Larzac un projet de vie, à l’image de José Bové, faisant ses premières armes...

 

Des babas cool gauchistes venus prêter main-forte aux paysans conservateurs emportés par la fièvre de la révolte.

"On découvrait autre chose que notre petit problème d’agriculteurs défendant notre coin de terre", dit Pierre Burguière.

Autant de "fenêtres ouvertes" sur le monde, résume son épouse, Christiane (qui vient de publier "Gardarem, chronique du Larzac en lutte"). T

 

ous deux font partie des neuf témoins du documentaire "Tous au Larzac", actuellement sur les écrans .

Tout comme Léon Maillé, Michèle Vincent et José Bové 1981 

 

 Annulation de l’extension du camp militaire 

 

C’est au président Mitterrand, poussé par cette foule d’anonymes, qu’on devra, en 1981, il y a 30 ans, l’annulation du projet d’extension du camp. L’État accepta de confier les 6 300 hectares concernés à la Société civile des terres du Larzac (SCTL) pour qu’ils soient ensuite loués aux paysans.

Sur le territoire de l’extension programmée du camp, on compte aujourd’hui 120 exploitations. Contre 103 à l’époque. Un beau contre-exemple, insiste le député européen José Bové, en ces temps de déprise agricole.

 

Une terre de combats

 

Le germe, sur le causse, était en tout cas planté. Le Larzac ne cessera, depuis, d’être à la pointe des combats : gel nucléaire exigé en 1983, soutien aux peuples kanak et palestinien, démontage du McDo de Millau en 1999 pour protester contre les importations de bœuf aux hormones américain, ou encore lutte contre les OGM et arrachages médiatiques sous l’étendard de la Confédération paysanne, refus du gaz de schiste ces derniers mois.

 

Spectaculaire jusqu’au bout, ainsi va le Larzac.

 

Qu’il s’agisse d’actions commando ou de rassemblements de masse, festifs en diable, à l’instar des concerts géants organisés pour le procès McDo en 2000.

 

Ou lors de la grand-messe altermondialiste en marge du sommet de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2003.

L’association organisatrice s’était baptisée “Construire un monde solidaire”.

 Elle s’en prenait à "la privatisation de la planète au seul bénéfice des firmes transnationales". Comme un souffle d’avant-crise de 2008 et d’aujourd’hui, pour déposer les germes d’un blé plus nourricier que numéraire... Monnaie d’échange un peu moins trébuchante, comme pour éviter de mordre la poussière libérale.

 

40 ans de lutte sur le Larzac en quelques dates

1971 : Le 28 octobre, Michel Debré, ministre de la Défense, annonce l’extension du camp.
1973 : Les 25 et 26 août, 60 000 personnes viennent soutenir les paysans.
1974 : Les 17 et 18 août, ils sont 100 000 sur le plateau. En octobre, occupation illégale de la ferme des Truels. En décembre, création des comités Larzac.
1975 : Le 9 mars, plastiquage de la ferme Guiraud. En juin, premier numéro de “Gardarem lo Larzac”.
1979 : Les paysans refusent de recevoir le juge d’expropriations.
1980 : 70 Larzaciens campent sur le champ de mars.
1980 : François Mitterrand est élu le 10 mai. Le projet d’extension du camp va être abandonné.
1999 : Un projet d’installation d’éoliennes, lancé en 1998, est abandonné.
2003 : Le 8 août, 300 000 personnes sur le plateau pour un rassemblement altermondialiste.

 

Christian Rouaud : «Faire la nique à l'armée était très jouissif

Dans les années 70, les paysans du plateau du Larzac sont restés unis contre l'extension d'un terrain militaire.

Le documentariste Christian Rouaud retrace dans «Tous au Larzac» ces dix années de lutte.

 

Il a répondu à vos questions.

Image extraite du documentaire «Tous au Larzac».
 
La mobilisation pour la cause des paysans du Larzac est ancrée dans les mouvements de contestation des années 70. Une telle mobilisation pourrait-elle être transposée aujourd'hui, contre l'implantation de futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes, par exemple? Qu'en pensez-vous?
 
 
Christian Rouaud. Je suis allé à Notre-Dame-des-Landes avec José Bové, lors du dernier grand
rassemblement. Il y a beaucoup de points communs entre les deux luttes, en particulier le fait que des squatteurs se soient installés sur les terres qui ont été préemptées pour l'aéroport. La difficulté, c'est que l'«ennemi», c'est le maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, qui est un important responsable socialiste (porte-parole des députés socialistes à l'Assemblée nationale). Il va falloir faire comprendre aux responsables socialistes que cet aéroport est une aberration.

Rose. Quel a été pour vous le point de départ de «Tous au Larzac»? Y songiez-vous depuis longtemps?
 

C. R. C'est la suite de la mon film qui s'appelait «Les Lip, l'imagination au pouvoir». A l'époque, j'avais tourné une séquence sur le rapport entre la lutte des Lip et le Larzac, et cette séquence a sauté au montage. J'ai reçu un jour le journal Gardamen lo Larzac, dans lequel il y avait une critique du film qui disait «c'est dommage que l'on ne parle pas du Larzac, ce serait bien qu'un film de cette qualité soit fait sur le Larzac». Je me suis senti appelé à faire ce film.

Octave. Les paysans du Larzac étaient-ils engagés politiquement avant l'annonce de l'extension du terrain militaire ?

C. R. Non, pas du tout. Ils étaient plutôt méfiants les uns par rapport aux autres. Les fermes étaient très éloignées, et les anciens se méfiaient beaucoup de ceux qu'ils appelaient les «immigrés» ou les «pionniers» qui s'étaient installés dans les années 50-60, et qui développaient des moyens très modernes d'élevage. A part quelques exceptions, ils étaient tous plutôt à droite, et pratiquants catholiques. Ils avaient vu Mai 68 avec beaucoup de méfiance, rien ne les préparait à cette lutte.

Sparadrap. Les Lip, et maintenant le Larzac, quarante ans se sont écoulés, c'est pas un peu loin tout ça, entretenez-vous une certaine nostalgie de ces années-là?

C. R. Surtout pas. Je n'ai pas fait le film pour faire plaisir aux anciens combattants ! Au contraire, je pense que cette histoire nous parle de nous, aujourd'hui. J'ai voulu faire le film pour que les jeunes trouvent éventuellement dans ce récit des raisons de bouger, et des pistes de réflexion pour l'action aujourd'hui.

Octave. Il y a eu Gandhi, Mandela, Luther King, plus récemment les inusables du Larzac et maintenant les Indignés. Comment percevez-vous leur mouvement ? Les inusables du Larzac et les Indignés, même combat ?

C. R. En tout cas, combat comparable. En même temps, je crois que chaque génération doit inventer ses moyens de lutter. On ne sait pas où vont les Indignés, mais ça existe, ça mobilise des gens, ça bouge, et c'est très encourageant. La non-violence a quelque chance de réussir dans les régimes démocratiques, mais on a bien vu qu'au Chili, en Argentine, ou en Grèce à l'époque des colonels, que ce sont d'autres moyens qu'il faut utiliser pour résister. Mais, c'est vrai que la non-violence des gens du Larzac contre l'armée a quelque chose d'exemplaire.

Cécile. Vous entrecoupez des images d'archives avec des témoignages d'«anciens» du Larzac. Comment les avez-vous retrouvés ? Vivent-ils toujours sur le Causse ? Comment leur avez-vous présenté votre projet ?

C. R. Ils avaient eux-mêmes fait un film d'archives qu'ils commentaient en regardant l'image. J'avais donc les noms des gens qui avaient participé à ce film, et eux-mêmes m'ont donné d'autres noms... J'ai limité le nombre des protagonistes, parce que je voulais faire des portraits de chacun d'eux, et qu'ils aient l'espace suffisant pour s'exprimer. Sur les neuf personnages, huit vivent encore sur le plateau.

Octave. Mais les agriculteurs sont habituellement de droite. Comment cette annonce de l'extension du terrain militaire a pu les faire basculer vers des idées «de gauche»?

C. R. Ils ont eu la bonne idée de penser qu'ils n'y arriveraient pas tous seuls, et ils ont cherché de l'aide. C'est ainsi qu'est arrivée sur le plateau du Larzac toute la génération de ceux qui s'étaient engagés dans un tas de luttes de l'époque, contre le nucléaire, pour l'écologie, pour l'avortement, l'objection de conscience... et qui n'avaient pas supporté que Mai 68 s'arrête comme ça. C'est dans le frottement de tous ces gens – qui étaient eux-mêmes très divers puisqu'il y avait à la fois des non-violents et des gens qui étaient pour la lutte armée – que s'est faite, peu à peu, leur prise de conscience. Ils ont d'abord découvert à quoi servait l'armée dans un système démocratique, puis ils se sont ouverts à la problématique du tiers-monde, à la solidarité avec le monde ouvrier, à l'écologie... En se frottant effectivement à tous les gauchismes de l'époque.

Dimitri. Comment votre film est-il perçu par ceux qui ont milité sur le Causse du Larzac ? Quel retour avez-vous ?

C. R. Il y a eu trois projections. L'une pour les protagonistes du film, que j'ai faite avant le mixage, à un moment où on peut encore changer des choses. Ils m'ont donné leur feu vert. Après, ils ont découvert le film fini à Cannes. Ensuite, il y a eu une projection très angoissante pour moi sur le Plateau, où il y avait plus de 300 spectateurs qui étaient tous des gens qui avaient vécu la lutte, mais qui n'étaient pas dans le film. Ça s'est bien passé, beaucoup d'émotion, beaucoup de larmes. La troisième projection a eu lieu dans la vallée, à Millau. Deux salles étaient prévues, on a été obligé d'en ouvrir une troisième. Là aussi, ça s'est très bien passé, les gens se sont appropriés le film.

MQ. Gilles Deleuze disait : «Le système nous veut triste et il nous faut arriver à être joyeux pour lui résister.» Cette phrase prend tout son sens aujourd'hui vu l'époque que nous traversons et fait directement écho à votre film... Qu'en pensez-vous?

C. R. Je suis tout à fait en accord avec cette formule. Je fais des films gais parce que la lutte n'est pas triste. Et les paysans eux-mêmes n'auraient jamais tenu dix ans s'ils n'avaient eu des grands moments de bonheur pendant cette lutte. C'était des bons vivants. Après chaque action, ils faisaient un pique-nique, ils mangeaient, ils buvaient, ils chantaient. Il y avait aussi dans cet affrontement avec l'armée, un côté «Gendarmes et voleurs». Faire la nique à l'armée de façon non violente était très jouissif.

Octave. Pensez vous que François Mitterrand, de par son opposition au camp militaire, a instrumentalisé la lutte ? Et pensez-vous que le gauchisme de l'époque a instrumentalisé la cause du Larzac ? Pour en faire une tribune de leurs idées auprès des médias ?
C. R. Ce qui m'intéresse dans cette histoire, c'est précisément la dialectique entre la lutte et le bulletin de vote. Mitterrand n'aurait jamais signé, s'il n'y avait pas eu les dix ans de lutte. Même s'il est exact que sans doute cet engagement aux côtés des paysans du Larzac lui a été utile dans sa campagne. En 74, lorsqu'il est venu sur le Causse, il a pris conscience de l'importance du mouvement, et de toute la jeunesse qu'il mettait en action. Quant aux gauchistes, même s'ils avaient des velléités de récupération, ils ont assez vite admis l'idée que les paysans devaient toujours décider en dernier ressort. Toutes les bonnes idées qui sont venues de l'extérieur ont été admises par les paysans à condition qu'elles leur conviennent. Ils ne se sont laissés manipuler par personne.

Pat. Pourquoi ne réaliseriez-vous pas un documentaire sur un sujet de lutte actuel? Y songez-vous?
C. R. Mon prochain film, c'est le portrait d'un musicien, humaniste, breton. Je ne suis pas le seul à pouvoir faire des films sur ces questions-là. Je ne prétends pas avoir fait «le» film sur le Larzac, c'est l'un des films possibles sur le Larzac. Et je pense qu'effectivement, il faut faire des films sur les luttes actuelles.
Le Larzac : 1 000 km2, des brebis et des hommes

On y répertorie 16 650 logements dont, fait remarquable, 15 % de résidences secondaires. L’habitant du Causse a un faible revenu : 15 250 € par an par habitant contre 16 600 € en moyenne pour un Aveyronnais.

Le Larzac compte 11 700 emplois, dont 9 300 à Millau, et 1 900 chômeurs. L’économie est caractérisée par une agriculture traditionnelle tournée vers l’élevage et la production de lait de brebis, notamment pour élaborer fromages et Roquefort.

 

Léon, l’indigné du Larzac

Léon, à l’arbre “V “de la victoire... Aujourd’hui, il sillonne la France pour transmettre son goût de la justice.

Léon Maillé, agriculteur, fils de toutes les luttes qui animent le territoire, joue son propre rôle dans le documentaire “Tous au Larzac”, actuellement sur les écrans.

Le Larzac a eu mille et une vies. Léon Maillé, agriculteur touche-à-tout, aussi, dont évidemment celle de la guérilla pacifique contre l’extension du camp militaire, en 1971.

-même ancien sous-officier, le vivifiant Léon a paraphé le victorieux serment des 103 paysans contre leur expropriation. Des brebis contre des fusils. L’homme ordinaire renferme un ferment extraordinaire.

"Avant, je vivais en Normandie et j’étais de droite. Maintenant, je suis du Sud et de gauche", formule avec humour ce truculent gaillard de 67 ans aux airs de Jean-Pierre Marielle.

 "C’est un mec rare, curieux de tout", disent Florian et Marlène Orange qui ont repris une partie de son exploitation.

Au café La Perle, à Millau, QG des militants de tous bords, le patron, Bernard Delon, ajoute : "Léon, c’est un gentil. Viscéralement. L’incarnation du bon sens, un militant festif qui a toujours un mot pour rire."

Paris en tracteur

"On est un peu les indignés de l’époque mais on ne s’en rendait pas compte", avoue Léon Maillé, devant un cliché, punaisé chez lui, à Potensac, où il est immortalisé avec Stéphane Hessel.

"À chaque débat qui suit la projection, on nous demande si on a une recette. Eh bien non, on a fait ce qu’on a pu. Ce qu’on a cru juste. Pie XII disait : “Il ne faut pas avoir peur” ; Mitterrand : “Là où il y a la volonté, il y a le chemin”. C’est ce qu’on a fait", dit Léon, l’un des neuf “héros” du film Tous au Larzac, à l’affiche. Dans le sillage de l’enthousiasme utopique des années 60, de nombreux groupes - "du maoïste au défenseur d’orchidées sauvages" - ont rejoint la lutte.

Jusqu’aux altermondialistes et antigaz de schiste. Ce mouvement, il le filme y compris quand la révolte prend des allures d’un Woodstock générationnel, avec des rassemblements inimaginables de 70 000 personnes ! L’attachement de ces irréductibles à ce Causse les pousse même à rejoindre Paris en... tracteur.

Léon a gardé son Ford bleu de 1972. "C’est simple, dit-il gaiement, notre rythme était de 150 kilomètres en... 6 heures." Sa famille a souffert de son absence militante et "la vie de couple en a pris un coup", souffle Léon. Même si la lutte était exaltante et que tout le monde contribuait à faire bouillir la marmite et s’occupait du champ voisin, comme l’authentifie l’un de ses fils, Franck, 35 ans, qui a repris l’autre partie de la ferme.

"On est nature. On n’a pas peur de dire ce que l’on pense"

Suivront l’affaire du démontage du McDo de Millau, en 1999, de la lutte anti-OGM, etc. Léon Maillé est fils de toutes les luttes. Deux fois embastillé, toujours libre-penseur. "On est nature. On n’a pas peur de dire ce que l’on pense. On a même manifesté contre des flics trop cow-boys !"

 L’enseignement de cette époque ? L’idée que l’on peut prendre son avenir en main dans ce sanctuaire : "Le Larzac est bien vivant.

Le désert rural a reculé : la population agricole a doublé. Avant, tout le monde donnait son lait à Roquefort. Aujourd’hui, on varie les productions : chèvres, vaches, et même de la bière, sans oublier le pastis des Homs ou le whisky des Causses (presque d’Écosse) !" Sous la bannière du pittoresque Gardarem lo Larzac, sont nés la Confédération paysanne, les marchés de pays, etc. "Les utopies de l’époque sont devenues les réalités d’aujourd’hui : le bio, la médaille de l’Unesco..." Sans oublier la gestion collective du foncier.

Verbe rocailleux, Léon Maillé ajoute : "On ose affirmer des points de vue différents. Ce qui s’use si l’on ne s’en sert pas." Il regorge d’anecdotes : "Quand le corbillard de notre leader, Guy Tarlier, est passé, les gendarmes faisaient le garde à vous alors que, vivant, ils le détestaient !"

"Faites labour, pas la guerre", proclame le film. Léon, l’érudit paysan, a d’autres idéaux.

"Un déplacement de Sarkozy coûte 300 000 €. Dans le même temps, on veut pister les mères seules pour voir si elles ne trichent pas sur leur statut de parent isolé..." Avec ses deux mallettes de granules, il défend, content de son effet, l’homéopathie pour animaux, médecine alternative. "Certains me rétorqueront : c’est un placebo. Pour les humains, c’est possible. Mais les brebis n’en savent rien et ça marche !"

40 ans de lutte sur le Larzac : Michèle Vincent raconte
Michèle Vincent habite près d’un chemin de randonnée. Parfois, elle raconte le Larzac aux promeneurs.
Michèle Vincent habite près d’un chemin de randonnée.
 Parfois, elle raconte le Larzac aux promeneurs.  
 
 
Libraire à Paris dans les années 70, Michèle Vincent, Millavoise de souche, habite aujourd’hui sur le Causse, dans la maison où se passaient les réunions des comités Larzac.
 

Elle vit au milieu des livres, dans l’ancienne école de Saint-Martin du Larzac. Tout près du presbytère et de l’église de ce hameau planté au bout du plateau, au-dessus de Millau. A quelques mètres de là, dans un minuscule cimetière, sont enterrés Guy Tarlier, Augustin Guiraud et quelques autres frères de lutte.

Tous au Larzac

"Qu’est-ce qu’ils doivent penser de tout ce bazar ? Vous vous rendez compte, on a vécu dix ans dans l’illégalité et on se retrouve à monter les marches du Palais des festivals, à Cannes..." Michèle Vincent évoque bien évidemment le très fort documentaire de Christian Rouaud, "Tous au Larzac". Et elle semble un peu gênée de la gloire aujourd’hui tombée sur tous ceux qui, entre 1971 et 1981, ont combattu l’extension du camp militaire.

"Bien sûr, c’est sympa de revivre tout cela, mais vous auriez pu rencontrer quelqu’un d’autre pour vous parler. Moi, je me trouvais à Paris." C’est le travail qui a amené cette Millavoise pur jus dans la capitale, après des études de géographie à Montpellier. Juste au moment où, chez elle, commençait une extraordinaire aventure humaine.

"Sur le Larzac en 4L"

"J’étais frustrée, je me sentais immigrée. Et quand a été créé le Comité Larzac Paris, après le grand rassemblement de 1973, je n’ai pas hésité." Ainsi, chaque mercredi soir, pendant des années, Michèle Vincent, la militante de “Lutte occitane” retrouvera dans une petite salle de la fac de Jussieu, quelques jeunes gens avec lesquels elle refera le monde.

"Bien sûr que nous parlions de tout, mais nous étions là avant tout pour nous informer auprès des paysans du Larzac et populariser le mouvement. Et il a toujours été clair que chaque action, pour être menée, devait avoir l’aval des paysans. Au final, ils ont toujours été les décideurs. C’était d’abord leur lutte à laquelle ont adhéré des gens aussi différents que des non-violents, des communistes, des maoïstes, des gauchistes, des libertaires et d’autres encore."

Une fois par mois, tout ce joyeux petit monde converge vers le Larzac. "Nous partions le vendredi après le travail pour 12 heures de route en 4L, à quatre dans la voiture. Une véritable épopée. Nous retrouvions les autres comités à Saint-Martin, ici, dans cette maison que j’ai achetée il y a six ans. Nous nous réunissions tout le samedi, le soir nous faisions la fête et nous repartions le dimanche après-midi pour être au boulot le lundi matin."

150 comités actifs

Près de 150 comités ont été actifs à travers la France, comme celui de Mayenne qui renverra 131 livrets militaires. D’autres ont pratiqué une forme de résistance originale en prélevant 3 % sur leurs impôts pour les envoyer à l’Apal. Ils aideront, par exemple, à construire une bergerie monumentale au hameau de La Blaquière.

Pendant dix ans, Michèle Vincent et ses amis vivront au rythme des procédures initiées par l’État (arrêtés de cessibilité, ordonnances d’expropriation) et de leurs vives réponses “larzaciennes”.

A Paris, elle accueillera les tracteurs aveyronnais au pied de la tour Eiffel et campera sur le Champ de Mars tandis que, lors des grands rassemblements, elle et son compagnon serviront des boissons chaudes aux manifestants. "On ne pouvait pas décrocher, il fallait tenir, avec l’élection présidentielle en point de mire."

De retour dans le Sud

Justement, c’est en 1981, quelques semaines avant l’historique 10 mai, qu’elle retrouvera “son” Sud. Nîmes d’abord, puis Millau, quelques années plus tard, où elle sera bibliothécaire.

Aujourd’hui, Michèle vit là-haut. A l’endroit même où cette singulière histoire s’est jouée. "J’habite au bord d’un GR, alors parfois je raconte aux gens ce qui s’est passé. C’est important..." Devant sa cheminée, le chat sur les genoux, elle laisse s’installer l’hiver. Dehors, un tracteur ronronne

2003 : le rassemblement altermondialiste a drainé 300 000 personnes sur le causse... Pour réfléchir à d’autres mondes possibles.

 

Rassemblement sur le Larzac des 17 et 18 août 1974.

Ce n’est pas un char armé d’un canon, mais une moissonneuse-batteuse. En effet, en 1974, une moisson géante a été réalisée devant 100 000 personnes au profit du Tiers-monde.

 

Publié dans Régionalisme Occitan

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article